La virée de galerne du « Printemps de l’Ouest »


Retour à chaud sur le « Printemps de l’Ouest », évènement d’extrême droite radicale, porté par le Mouvement Chouan de Jean-Eudes Gannat, annoncé à Châteaubriant (44) et déplacé en catastrophe à Méral (53). Ce texte est l’occasion de mettre en lumière les affinités qui relient des branches de l’extrême droite qui font mine de s’ignorer. On évoquera donc des militant.e.s nationalistes-catholiques, des pseudo-chouan.ne.s contre-révolutionnaires mais aussi des membres du RN.

Une annonce ne fait pas le printemps

Capture du compte X du Mouvement Chouan annonçant la tenue d'un "Printemps de l'ouest" le 14 juin à Châteaubriant.
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En mai, le Mouvement Chouan du très raciste Jean-Eudes Gannat annonce, pour le 14 juin, la tenue d’un « Printemps de l’Ouest » autour de la célébration des feux de la Saint-Jean. Le lieu de l’évènement est situé sans précision vers Châteaubriant (44). L’inscription est obligatoire et payante. Il faut montrer patte blanche à ce qui ressemble dans sa présentation à une kermesse avec jeux, danses et feu de joie. Mais c’est surtout le point de rencontre de plusieurs groupes néo-fascistes et la perspective soporifique d’un discours de Jean-Eudes Gannat. Le Mouvement Chouan qui chapeaute l’évènement annonce la participation du RED (continuation déclinante de l’alvarium), de Des Tours et des Lys (37) dont le chef Alexandre Boumediene est aussi porte-parole du Mouvement Chouan, des indicateurs de police nazifiants de l’Oriflamme venu.e.s de Rennes, et enfin de la Ligue Ligérienne dont un cadre a récemment défrayé la chronique. La séquence qui suit cette annonce va s’avérer instructive. Ce qui est pensé comme une démonstration de force va tourner à la virée de galerne pour nos chouan.ne.s de pacotille.

Le vent se lève

L’annonce ne passe pas inaperçue du côté de Châteaubriant. Très vite une mobilisation antifasciste unitaire est annoncée. La mémoire traumatique des 27 communistes fusillés (dont le jeune Guy Môquet) le 22 octobre 1941 reste vive. De son côté la préfecture publie un arrêté d’interdiction du « printemps » (à partir de la page 62) le mercredi 11 juin. Les motivations puisent dans le marécage des ignominies dites et perpétrées par Gannat et sa milice, remontant jusqu’à des agressions perpétrées à Angers par l’alvarium en 2018. Des motivations copiées-collées de l’arrêté de dissolution administrative du groupuscule prononcée par le ministère de l’intérieur en novembre 2021, ce qui nous conforte dans l’idée que les poursuites pour reconstitution de ligue dissoute sont une fable et qu’il ne faut rien attendre de l’état en matière de combat contre l’extrême droite. Ainsi c’est la militante de l’alvarium Thérèse Beauvais qui apparaît dans une vidéo de promotion du « Printemps ». Dans l’arrêté d’autres considérations centrées sur Gannat reviennent sur des évènements récents comme sa conférence interdite à Vertou, à l’invitation de la Ligue Ligérienne en mars ou bien encore le rappel de ses obsessions racistes de fantasme du « Grand Remplacement ».

L’extrême droite à la niche (où plutôt au moulin)

Jean-Eudes Gannat publie une vidéo le soir même du 11 juin. Faisant semblant de croire que l’arrêté n’interdit pas son évènement, il bombe le torse sous sa chemise vichy et sous-entend qu’avec ou sans accord de la préfecture son « printemps » se tiendra à l’endroit initialement prévu. Comme souvent son argumentaire est confus et bourré de sophismes, mélangeant une fête païenne avec des considérations chrétiennes, évoquant une inoffensive occasion de se réunir mais soulignant l’importance du discours politique qu’il prononcera. Malgré ses vitupérations et un délai confortable pour réagir, aucune contestation n’est portée devant le tribunal administratif de Nantes. La veille de l’évènement, dans une interview au media d’extrême droite Breizh Info, le ton reste martial mais ne masque pas la reculade. La journée « est interdite par les autorités à Châteaubriant, donc nous allons la maintenir, mais ailleurs, à une trentaine de minutes. L’adresse ne sera communiquée qu’aux inscrits et le programme s’en trouve un peu chamboulé » dixit un Gannat défait. Dans son délire de persécution, il a déjà auparavant annoncé passer au crible la liste des inscrit.e.s. Tout profil inconnu écarté, la fête prévue va ressembler à une triste réunion de famille toxique. Fin du premier acte, Châteaubriant ne sera pas souillée.

Le printemps remisé au hangar

Celles et ceux qui suivent l’extrême droite dans l’ouest comprennent vite que c’est au Moulin de la Place, sur la commune de Méral (en Mayenne à 50 minutes de voiture au nord-est de Châteaubriant) que l’évènement va être déplacé. Une évidence parce que d’un point de vue logistique il fait partie des rares endroits adaptés et que d’un point de vue idéologique la proximité est avérée. Le lieu a plusieurs fois été mis à la disposition d’Academia Christiana pour son Oktoberfest ou justement des feux de la Saint-Jean. D’autres évènements réactionnaires confidentiels comme la fête du livre de l’association Nos Chères Provinces ont pu se tenir par le passé dans et autour d’un hangar agricole aménagé pour ce genre d’évènements. L’endroit, spacieux mais vétuste et rustique, est connu localement comme un « repaire de chouans ». L’accueil du Mouvement du même nom pataugeant dans sa petite virée de Galerne est donc une évidence toute consanguine.

Capture du compte insta de Jean-Eudes Gannat où des chaises sont installées dans un hangar du Moulin de la Place en vue de son discours. Au fond on voit les drapeaux des groupes fascistes présents.
Capture de l’insta de Jean-Eudes Gannat montrant l’installation du « Printemps de l’ouest » au Moulin de la Place.

Un souvenir flou

Ce repli invite à dénouer les affinités des acteurs en présence. Le Moulin de la Place, à Méral, est le domicile des frères Alain-Jean (parfois réduit uniquement à Alain) et Charles-Eric (idem et réduit à Charles) Rousseau. Le premier exerce en tant qu’agriculteur. Le second, juriste, est surtout connu pour être le président de l’Association du Souvenir de la Chouannerie du Maine, un temps domiciliée sur place. Le nom de l’association est tout un programme en soi et ses buts éloignés de la rigueur historique. Ses activités tournent autour de commémorations d’évènements ou d’acteurs de la contre-révolution, ponctuées de messes données par des traditionalistes comme la Fraternité St-Vincent-Ferrier à Chémeré-le-Roi connue pour ses interventions dans les locaux de l’alvarium. Fondée en 1979, elle édite un bulletin, organise des dîners avec pour temps fort une journée du souvenir en août. Sous sa forme actuelle elle résulte de la fusion en 2012 de l’Association du Souvenir de la Chouannerie de Mayenne et de la Chouannerie de la Sarthe pour prendre le nom d’Association du Souvenir de la Chouannerie du Maine.

Les chouan.ne.s du RN

Le dernier bureau en date disponible de l’Association du Souvenir de la Chouannerie en Maine a été déposé en janvier 2018 (pour faciliter la lecture les captures du bureau ont été mises tout en bas de cet article) et depuis l’équipe de direction assez âgée a perdu au moins un de ses membres. Soulignons qu’on trouve dans ce bureau des personnes qui a un moment ou l’autre de leurs parcours ont représenté le FN puis le RN de la Mayenne. Paul Le Morvan a ainsi candidaté pour le Front National en 2010 aux côtés d’une autre administratrice de l’association, Marie-Alix Le Comte. Il était à l’époque secrétaire du parti en Mayenne et dispose toujours de sa petite fiche sur l’actuel site du RN. Tous deux côtoient un ancien colonel de gendarmerie : Jean-Michel Cadenas, un personnage pas avare de dingueries. À la tête de la fédération mayennaise il a été poussé vers la sortie en 2024 suite à la campagne législative calamiteuse du RN qui a présenté une ex-preneuse d’otage ou une candidate qui a déclaré avoir « comme ophtalmo un juif « . Il est récemment passé du côté de Reconquête. Il y a beaucoup à dire sur les autres membres du bureau, peut-être aurons nous la force de sonder leurs pedigrees mais revenons plutôt aux liens anciens qui ont permis aux néo-fascistes de faire retraite chez les chouan.ne.s.

Fiche de Paul Le Morvan sur le site du RN, Capture réailsée le 16 juin 2025.
Fiche de Paul Le Morvan sur le site du RN, Capture réailsée le 16 juin 2025.

Le prêt d’une grange après celui d’un appartement à Angers ?

Les angevin.e.s se souviennent que l’alvarium avait ouvert son premier local en janvier 2018 (à peu près quand l’association présentée plus haut déposait son bureau), aux abords immédiats du quartier populaire de Savary. Cela avait surpris (à juste titre car sous la pression il fermera en moins d’une année) et rétrospectivement il semble que cela relève de l’opportunisme plus que du choix. En effet, la recherche de propriété de la parcelle de l’appartement du rez-de-chaussée du 85 avenue Pasteur nous a révélé qu’il appartient en indivision à deux frères. Alain et Charles Rousseau. Encore eux. De 2018, et l’implantation d’un local néo-fasciste à Angers, au Printemps de l’ouest qui en 2025 échoue à Méral, on se représente désormais la connivence étroite entre Jean-Eudes Gannat et sa clique et les frères Rousseau. Plus qu’un lieu de perpétuation du folklore chouan Le Moulin de la Place est sans conteste une base arrière de tout un pan de l’extrême droite de l’ouest de la France. Et comme on peut le constater en étudiant rapidement ce panier de crabes, l’ombre du RN n’est jamais loin. La distinction entre une extrême droite respectable et notabilisée et une soi-disant « ultra droite » hors les murs n’a pas de sens. Qu’elles que soient les affinités les réseaux sont profondément imbriqués et la circulation et les trajectoires des militant.e.s se jouent de ces catégories inopérantes qui tendent à diaboliser les un.es et normaliser les autres alors que tout démontre une grande porosité.

Capture du relevé de propriété du 85 avenue Pasteur à Angers
Capture du relevé de propriété du 85 avenue Pasteur à Angers

Savourons. L’extrême droite recule quand on s’en donne les moyens. Les néo-fascistes n’ont pas été en mesure de tenir leur évènement autour de Châteaubriant et la petite ville accueille sous le soleil une mobilisation réussie de 400 personnes, le samedi, du côté de la mairie. Bravo aux habitant.e.s de Châteaubriant pour leur réaction collective rapide et déterminée, prendre le mal à la racine est crucial pour éviter des implantations durables. Le « printemps » annoncé a déclenché un accueil glacial et il aura fallu moins d’une semaine pour que le projet ne vire à la débandade en catimini. La lutte paie et mettre à jour les réseaux d’extrême droite c’est se donner les moyens de mieux savoir où appuyer pour les désorganiser et mieux les contrer à l’avenir.

Le RAAF.

Copie d’éléments du dernier bureau déposé en préfecture de l’Association du Souvenir de la Chouannerie du Maine en date de janvier 2018.

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