Enquête sur l’écosystème de l’école « Saints Louis et Zélie Martin »

Quand l’entre-soi de la bourgeoisie mène au huis-clos violent et au séparatisme.

Nous rappelons souvent que l’antifascisme c’est l’affaire de toutes et tous, et cela s‘applique pleinement au travail d’enquête et de recherche sur l’extrême droite. Nous revendiquons d’effectuer un travail « par en bas » à hauteur de nos vies, avec les sources disponibles pour participer à notre manière à la vigilance collective. Pour autant nous n’opposons pas notre activité à celle des journalistes et l’enquête qui suit pourrait être l’amorce d’un travail plus poussé avec des moyens et un écho plus conséquents. Néanmoins les sources disponibles en ligne sont déjà révélatrices et nos conclusions solides. Les lignes qui suivent ne concernent pas à strictement parler l’extrême droite. Cependant, il nous semble crucial d’exposer les bricolages d’une bourgeoisie réactionnaire portée sur les leçons de morale qu’on surprend ici en flagrant délit de séparatisme et dans un grand mélange des genres. Une classe sociale qui par intérêt pave souvent la voie à l’extrême droite et ses idées.

Quand la violence s’exerce dans les salles de classe

En mai 2025, quatre enseignantes de l’école primaire catholique hors contrat Saints Louis et Zélie Martin de Bouchemaine (49) sont placées en garde à vue pour des soupçons de violences psychologiques et physiques sur une douzaine d’élèves. C’est près de la moitié de l’effectif enseignant de cet établissement qui accueille 160 élèves. L’enquête débouche sur la mise en examen de trois d’entre elles, la quatrième étant placée sous le statut de témoin assisté. Le procès est encore à venir sans qu’on en connaisse ici la date. Toutes les mises en cause ne sont pas accusées au même degré. Selon la presse, cela va des humiliations devant le tableau jusqu’aux fessées, aux coups de pieds et bousculades en passant par le scotch sur la bouche et les interdictions d’aller aux toilettes jusqu’à s’uriner dessus.

Des parrainages réactionnaires

Il est utile pour comprendre cette école de retracer sa genèse et qui l’administre. Fondé en 2004, ce qui n’est encore qu’un « cours », accueille quatre élèves mais les effectifs augmentent et la dépendance aménagée chez des parents devient exigue. Le tournant majeur pour l’école se joue en 2009 avec l’arrivée à la direction de Pauline Brancour (née de Lestrange) et de Raphaël de La Croix (par ailleurs animateur réac de RCF Anjou) à la tête du CA de l’Association de Parents Educateurs qui administre l’école. La première est l’épouse d’un adjoint fidèle du maire d’Angers Christophe Béchu, également vice-président du conseil régional : Roch Brancour. Ce conservateur rétrograde encarté chez Les Républicains est connu pour avoir adhéré à Sens Commun, émanation politique de la Manif pour tous. Il milite activement pour la fondation d’écoles hors-contrat. En bon fossoyeur de l’école publique, il faisait partie des fondateurs de l’association Le Gouvernail qui, en 2017, est à l’origine de l’antenne angevine du réseau Espérances Banlieues.

Copie du texte de la capture disponible au moment où nous mettons en ligne à cette adresse :
https://www.louisetzeliemartin.org/historique-de-creation/

En 2004, le Cours Louis et Zélie Martin, instruisait 4 élèves de CE2 et CM2, avec Mme Marot, répétitrice.
En 2019,  c’est 126 élèves qui investissent les locaux de l’école Saints Louis et Zélie Martin chaque jour, répartis en 7 classes de la Petite section au CM2 et guidés par 7 enseignantes.

Petit retour en arrière …

Lancé par des parents soucieux d’offrir une instruction de qualité et un enseignement spirituel à leurs enfants, le projet d’une école hors contrat mûrit petit à petit. Après de longs mois de discernement, d’hésitation les 4 couples fondateurs ouvrent le cours Louis et Zélie Martin.

2004 : pour sa première année, le cours Louis et Zélie Martin prend timidement en charge 4 élèves.

2005 : le Cours Louis et Zélie Martin acquiert le statut d’école et accueille 14 élèves. Une dépendance est aménagée chez des parents fondateurs. L’aventure commence… Les élèves sont répartis en 2 classes, du CP au-CM2.
Les parents fondateurs veillent, les maîtresses s’investissent pour le bonheur de tous.

2006 : quelques maternelles sont accueillis.

2008 : les époux Martin sont béatifiés à Lisieux, l’école devient l’école des bienheureux Louis et Zélie Martin.

2009 : nouvelle directrice, Pauline Brancour et nouveau président du conseil d’administration, Raphaël de La Croix.

2010 : le nombre d’élève augmente, il faut envisager un déménagement. Des parents et bienfaiteurs acquièrent, sous forme de SCI, les locaux d’un ancien centre de formation. De nouvelles perspectives s’ouvrent enfin… Les élèves s’impatientent, les maîtresses sont aux anges, les parents s’activent pendant les vacances pour le déménagement et les quelques travaux nécessaires de mise aux normes.

2011 : Comme une seconde naissance, la rentrée se fait dans les nouveaux locaux. De grandes classes lumineuses, de l’espace, une immense cour de récréation, c’est l’école à la campagne aux portes d’Angers. En septembre, 71 élèves font leur rentrée. Les classes sont dédoublées, chaque niveau a sa maîtresse de la grande section au CM2.

2015 : La petite section ouvre et l’école atteint son rythme de croisière avec 130 élèves de la petite section au CM2.

2016 : le 18 octobre, les époux Martin sont canonisés. L’école se nomme désormais avec fierté : l’école des saints Louis et Zélie Martin.
Copie de l’historique de l’école capturée sur son site par nos soins.

La généreuse SCI Saint-Joseph

Sans plus de précision, le site de l’école nous explique que cette nouvelle équipe est bien aidée par des philanthropes qui fondent une SCI pour acquérir et mettre à disposition de l’école un ancien centre de formation. Après quelques recherches on tombe sur la SCI Saint-Joseph dont l’étude des nombreux documents disponibles est la source principale de notre enquête. On apprend ainsi qu’en 2016, l’école paye le très modique loyer de 16008€/an pour presque 10000 m2 de terrain. Il faut dire que la SCI pèse la bagatelle de 477000€. Mais qui a abondé au capital ?

Extrait d’un procès-verbal d’assemblée générale de la SCI Saint-Joseph.

Le coup de pouce de la Fondation pour l’école

Parmi les personnes morales on retrouve évidemment l’Association de Parents Educateurs qui met 30000 euros au pot, mais aussi la Fondation pour l’école qui se retranche derrière un discours de neutralité pédagogique mais « soutient principalement une galaxie d’établissements hors contrat catholiques traditionalistes » comme le soulignait Basta !. Des établissements qui peuvent être liés à la Fraternité Saint-Pie-X ou encore l’Institut Croix-des-Vents qui a servi un temps d’appui au lancement d’Academia Christiana. Cette fondation apporte la bagatelle de 50000€ ce qui en dit long sur la capacité de financement de ces réseaux. Elle sera présente au capital de la SCI jusqu’en 2023.

L’apport et le patronage de l’abbé Huard

Mais le gros de l’apport est le fait d’un ecclésiaste cité en tête des compte-rendus d’assemblées générales de la SCI. Cette personne qui apporte 200000€ à la SCI est Hyacinthe Huard. Décédé en 2012, il est une personnalité publique locale connue car il est le fondateur de l’Ircom, une école centrée initialement sur la communication mais qui a diversifié ses formations. Surtout, après sa mort surgissent de nombreuses accusations d’agressions sexuelles dont certaines sur des mineures. Des faits pour lesquels il n’aura jamais à se justifier qui jettent une flétrissure indélébile sur cette SCI.

Entre-soi bourgeois

De nombreux autres bourgeois abondent à la SCI, ainsi le gérant Thibault Roche-Bruyn apporte 50000€. Notons que les époux Brancour sont des actionnaires de la première heure de la SCI. Année après année, les comptes-rendus d’AG évoquent les échanges d’actions de cette SCI entre gens aisés qui comptent parmi les notables de l’Anjou. En 2019 est accueilli au capital un certain Hugo Bony, directeur général des graines Voltz depuis la fin de l’année 2024, une entreprise cotée en bourse rappelons-le.

2025 : le choc de simplification

Fait notable, la liste des actionnaires s’est très considérablement réduite lors de l’AG mars 2025. L’Association de Parents Educateurs donne mandat à son président Thibault de Mas Latrie pour racheter 150 parts aux autres actionnaires de la SCI. Désormais les parts se répartissent entre l’héritière de l’abbé Huard (200 parts), un couple qui garde la portion congrue de deux parts, et le gérant (38 parts). L’Association de Parents Educateurs possède désormais 237 parts. La reprise de 150 parts dont la valeur unitaire est de 1000€ souligne la capacité d’une association visiblement fort bien pourvue. C’est à ce moment que, comme d’autres, les époux Brancour se séparent de leurs 24 actions.

Document disponible en ligne : https://www.pappers.fr/entreprise/saint-joseph-531536258

Roch Brancour, toujours prêt à donner un coup de main

Ce dernier a beaucoup œuvré localement pour la réussite le projet de Nuit du « bien commun » porté par le milliardaire d’extrême droite P.-E. Stérin. La Topette avait dévoilé, qu’en juin 2023, la ville d’Angers avait gracieusement mis à disposition les Greniers Saint-Jean, soit la plus prestigieuse des salles municipales. Est-ce grâce à l’entregent de l’adjoint Roch Brancour, présent ce soir-là en tant que représentant du conseil régional qui a lui débloqué une coquette subvention de 40000€ ? Il était encore une fois présent à l’édition de cette année « à titre personnel » et alors que son nom a opportunément été retiré du site de l’équipe locale qui chapeaute la soirée. Peut-être venait il soutenir d’un don l’association Au cœur des autres dont il nous faut parler pour compléter un peu plus l’écosystème de l’école Saints Louis et Zélie Martin ?

« Au cœur des autres » mais la main au porte-monnaie

Cette association, au bureau composé de six membres, lève des financements pour « Permettre la scolarisation d’enfants porteurs de handicap mental en milieu ordinaire dans des écoles, en finançant des AESH, du matériel adapté et en formant des enseignants pour accompagner plus d’enfants. » Noble idéal. Il faut se rendre sur sa page HelloAsso pour découvrir qu’elle « contribue à la récolte de dons pour […] qu’ils poursuivent leur scolarité au sein de l’école Louis et Zélie Martin. » L’équipe qui gère la Nuit du « bien commun » a donc en connaissance de cause sélectionné une association au service exclusif d’une école hors-contrat dont du personnel est actuellement mis en examen pour des violences physiques et psychologique graves sur une douzaine d’enfants. Une organisatrice va pourtant affirmer sans ciller « avoir appris dans la presse », les procédures judiciaires à l’encontre des enseignantes de l’école). Les garde-à-vues ont eu lieu en mai, or les lauréats de la sélection n’ont été annoncé qu’à la fin de l’été. Difficile de mentir plus mal.

Il reste beaucoup à dire sur cette école hors contrat et son/ses histoire.s. Par souci de lisibilité nous passons sous silence les entreprises partenaires à l’instar de charcutiers nationalistes bien connus. Nous ne gloserons pas non plus sur les frais de scolarité (2450€/an pour le premier enfant) où sur les méthodes d’enseignement rétrogrades. Il y aurait à dire des pages du site de l’école inaccessibles depuis les jours qui ont suivi le scandale et sur l’absence de communication transparente sur les faits. Il y a aurait à dire sur les membres passés sous silence des bureaux des associations citées ou de la SCI Saint-Joseph. Le procès apportera peut-être des réponses sur la dynamique interne vénéneuse qui a provoqué des faits aussi graves qui pour nous n’ont rien d’une « dérive ». Nous pensons qu’il est salutaire de montrer à quel point ce genre de projet séparatiste est voulu et porté par une bourgeoisie aux affaires, qu’elles soient commerciales mais aussi politiques. Cet agenda réactionnaire doit être étalé aux yeux de toutes et tous car en l’état ce sont des enfants qui en font les frais. Surtout que les projets de création ou d’extension d’établissements hors-contrats sont pléthores (Le Cours Bienheureux Charles d’Autriche va ainsi emménager dans de plus grands locaux près de la gare à Angers), il est urgent de mettre en lumière que des élu.e.s ne sont pas pour rien dans la facilité d’action dont disposent ces structures qui de facto agissent sciemment contre une quelconque forme de « bien commun ».

Le Raaf

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