Depuis quelques années, les fascistes angevins se rêvent mauvais garçons. Ils cultivent le look « casual » des hooligans. Mais leurs coupes venues tout droit des années 30, et leur attitudes guindées trahissent une extraction le plus souvent bourgeoise. Loin de cet apparat de basse-cour, Angers cache un briscard de l’extrême-droite qui ne s’est jamais départi de ses fines petites lunettes, de son barbour défraîchi et de son air de vicomte fauché rentrant bredouille de la chasse. Permettez-nous de vous présenter le parcours de Benoît Couëtoux du Tertre.
Les années de formation : jeune et déjà vieux
Lors de ses années étudiante « BCdT » trainait parfois sur le campus universitaire de Belle-Beille , à Angers, avec le groupuscule fasciste du Renouveau Etudiant. Bien éloigné de toute activité syndicale, l’éphémère groupe angevin avait une forte coloration nationaliste-révolutionnaire et ses militants n’hésitaient pas par exemple à camoufler leur antisémitisme derrière un soutien de façade à la Palestine. Dans la seconde moitié des années 1990, leur militance se limitait le plus souvent à coller des stickers mais, ils se sont aussi essayés à la provocation envers les syndicalistes et étudiant.e.s grévistes. Sous la houlette d’un prof de droit, ils ont tenté, sans succès, d’évacuer à coups de casques de motos un amphi où se tenait une AG. Ils ont enfin avec de nombreuses affiches, nuitamment rebaptisé l’université au nom du collabo Robert Brasillach. A cette époque BCdT est présent mais selon les témoignages peu porté sur la violence, il est physiquement en retrait.
Benoît Couëtoux du Tertre tente de faire peuple
Il ne fera pas plus d’étincelles au sein du Front National. Il lui restera néanmoins fidèle lors de la scission d’avec le MNR en 1999. L’engagement militant fondateur de BCdT va plutôt se jouer au sein de Terre et Peuple. Fondé par Pierre Vial fin 1994, ce mouvement lui convient par sa vision téléologique de la civilisation européenne. Le mouvement place celle-ci en filiation directe avec la prestigieuse civilisation grecque, enrichie et nourrie par le Moyen Âge et vue comme une belle idée croissant jusqu’à nous et dont nous serions les héritier.e.s devant assurer sa passation. Le paganisme n’est pas rejeté à la marge comme peut le faire l’extrême-droite catholique traditionnelle. Au contraire les mythes et légendes donnent à Terre et Peuple sa coloration « volkish ». C’est à dire que le « peuple » renvoit à une identité plus qu’à une masse. Le passé revêt une implication directe dans le présent. Plus que l’espérance d’un retour du passé, celui-ci est pour eux une filiation. Il y a une référence récurrente chez Terre et Peuple à l’enracinement. BCdT écrit des articles pour leur journal.
Le mouvement souffrira à de multiples reprises du côté girouette politique de Pierre Vial et il perdra notamment des forces à la scission du FN. Toujours est-il que Benoît Couëtoux du Tertre s’y épanouira et c’est même lui qui emmènera la « bannière Anjou » en 1999.
Seulement Terre et Peuple n’est pas une organisation de terrain et bien que prudent de nature BCdT a envie d’en découdre. L’arrivée des « Identitaires » dans le paysage politique au début des années 2000 va lui permettre de s’appuyer localement sur quelques jeunes recrues pour passer à l’action.
Puni pour avoir oublié son cartable
Le 8 avril 2011, le conseil municipal d’Angers se réunit avec à l’ordre du jour un point sur le construction de la future mosquée. Le conseil se tient sous l’égide du maire PS de l’époque, Jean-Claude Antonini. Un petit groupe de six personnes baptisé « Anjou Identitaire » fait irruption dans la salle du conseil, les visages mal cachés derrière de petits masques de cochons ils entonnent « Pas un sou pour la mosquée. Angers n’est pas une terre d’Islam ! » en jetant des tracts à la volée.
Par maladresse le chef improvisé BCdT va oublier dans la salle son cher cartable et se fait pincer en revenant le chercher. C’est fort gênant mais celui qui est fonctionnaire à la Préfecture va passer en procès pour un simple « délit d’entrave », la qualification raciste n’ayant pas été retenue par le Parquet. Le préjudice pour lui sera donc très relatif car il sera relaxé en appel et mis au placard pour un temps à la sous-préfecture de Segré, avant de revenir à Angers comme si de rien n’était.
Le vent du boulet est passé très près et désormais il va localement se tenir à carreaux et faire preuve d’une grande discrétion. Pour autant, ce n’est certainement pas la fin de son engagement. En 2013, Dominique Venner, un des idéologues de l’extrême-droite se donne la mort par arme à feu devant l’autel de la cathédrale Notre-Dame. Dans ses dernières volontés exposées peu avant à certains amis dont Le Gallou, il désirait qu’ils fondent un institut qui deviendra Iliade.
Iliade : amnésie sélective
Iliade, « institut pour la longue mémoire européenne » peut-être présenté par lui-même tant sa visée est explicitement raciste : « L’Institut ILIADE accompagne tous ceux qui refusent le Grand Effacement, matrice du Grand Remplacement. ». Pour ce faire, il organise notamment un colloque annuel qui autour d’une hématique voit se succéder à la tribune toute la crème de l’extrême-droite la plus dure : Alain de Benoist, Renaud Camus, Jean-Yves Le Gallou, Charlotte d’Ornellas. « 2019, Europe le temps des frontières » était par exemple le thème retenu pour un des derniers colloques. Et c’est BCdT qui en prononcera l’allocution de clôture https://www.youtube.com/watch?v=TdXNSEjO4E8
L’institut brasse large et cherche à diffuser une vision de l’histoire qui a de nombreux points en commun avec Terre et Peuple. Là encore, la culture grecque ou du Moyen Âge sert de prétexte à développer une vision racialiste et fermée de l’Europe. Le discours a lui aussi de forts accents païens. L’institut se place lui aussi sur le terrain métapolitique et œuvre en vue d’une hégémonie des idées d’extrême-droite dans les mentalités. Notre angevin en tant que secrétaire-général tient une bonne place dans ce cirque et semble être l’homme de confiance au service de la cause. Pendant longtemps l’institut avait pour siège social son domicile.
Quant à son épouse, Fabienne, elle a un temps officié en tant que trésorière. L’implication de la famille va jusqu’à leur fille Aurore qui met son savoir-faire (à défaut de talent) d’élève des beaux-arts à disposition de l’institut pour créer une des tentures qu’on voit dans les vidéos sur le côté de la scène. Aujourd’hui encore, l’institut est domicilié à Angers via une boîte postale.
Pour le symbole, les angevin.e. apprécieront le message délivré sur twitter par le conseiller municipal d’Angers pro Manif Pour Tous, Maxence Henry. A l’occasion de la parution d’une vidéo de l’institut intitulée « Ni Lampedusa, ni Bruxelles, être européen ! ». Il s’exclamera « tellement juste » (source : http://ldh49.over-blog.org/2017/04/le-bloc-identitaire-en-anjou-des-jeunes-et-des-moins-jeunes.html). Triste ironie du sort de constater que les idées de celui qui a subverti un conseil municipal y siègent désormais en toute légalité. Cela est révélateur du travail de tout un pan de l’extrême-droite qui en dehors du champ des partis traditionnels cherche à placer son idéologie au pouvoir en instrumentalisant la culture. C’est en cela que l’exemple de Benoît Couëtoux du Tertre méritait quelques lignes.