SOS Calvaires : Qui fait le malin tombe dans le ravin

L’an dernier, nous avons publié un article sur la genèse de SOS Calvaires (SosCa). Nous avons alors démontré que, derrière un discours de passionné.e.s désintéressé.e.s qui volent au secours du petit patrimoine religieux, nous sommes en présence d’une association d’extrême-droite catho-tradi. Notre article se conclut sur les « velléités d’élargissement du champ d’intervention de l‘association vers la consolidation d’un lobby de défense des édifices et bâtiments religieux ». SosCa a avancé dans cette voie. Cela mérite qu’on y revienne afin que la naïveté ne puisse plus servir de prétexte à leur servir la soupe. La confusion profite encore trop souvent à SosCa, en particulier lorsqu’il s’agit de journalistes ou d’élu.e.s.

Catalogue des supplices

Le site de SosCa s’est étoffé. Il propose désormais un catalogue des croix disponibles à la vente et fabriquées par leur salarié dans l’atelier du Lion d’Angers. Parcourir ces pages permet de relativiser le caractère charitable de l’association tant il ressemble à celui d’un commerce en ligne quelconque. Tout y est dûment tarifé : de la croix monumentale jusqu’aux accessoires en zinc, en passant par le christ en époxy à 520€ TTC. Le site comprend aussi une petite librairie religieuse en ligne. Parcourir ce fourre-tout donne l’impression d’assister à l’émergence d’une petite entreprise identitaire se développant sur un fond de commerce catho-tradi qui sent la naphtaline. Il procure aussi des moments de franche rigolade, par exemple on y apprend que le modèle de « croix Saint Jean-Baptiste » « a été nommée ainsi en témoignage de reconnaissance envers Baptiste Marchais (ndr : le youtubeur faf) qui planta ce modèle avec nous et contribua grandement par sa présence à faire connaître S.O.S Calvaires ». La charité chrétienne aurait pu leur faire éviter de rendre hommage à un nationaliste qui dit se préparer à la guerre civile. Mais chez SosCa, on a les héros qu’on mérite.

 

Coassez et multipliez

La vraie nouveauté est que SosCa cherche à investir de nouveaux espaces de propagande qui dépassent les évènements ponctuels des chantiers de rénovation. Cela peut être caricatural quand l‘association lance une branche féminine baptisée les Consolatrices. Le but affiché est la restauration des petits objets de dévotion que sont les crucifix. La vision hiérarchisée des rapports de genres est tout à fait évidente : aux hommes le travail militant public, les rénovations en groupe au grand air, les corps en action pour relever les croix et tout ce qui relève d’une esthétique de la force ; aux femmes les délicats travaux d’intérieur en solitaire ou en groupes modestes et discrets. Les attributs et les champs d’intervention de chacun.e.s sont cloisonnés et typiques de l’idéologie d’extrême-droite la plus réactionnaire. Pas de doutes SosCa est antiféministe et veut cantonner les femmes au foyer.

Le travail de diversification des espaces de propagande peut-être plus sournois quand SosCa cherche à diffuser son idéologie auprès de publics jeunes. Ainsi leur salarié s’est rendu à La Croix des Vents, à Sées, en Normandie, pour y présenter le travail de la charpente et les étapes de fabrication d’une croix.

Il s’agit d’un établissement scolaire catholique hors-contrat qui accueille des élèves depuis le primaire jusqu’au lycée et est dirigé par la Fraternité Saint-Pierre. Les réacs prouvent là qu’ils savent se serrer les coudes même si cette solidarité se fait au détriment de l’épanouissement des enfants.

Enfin, jusque-là cantonnée aux frontières hexagonales, SosCa s’est récemment associée à la grande sœur SOS Chrétiens d’Orient (dont elle reprend une partie de recettes pour avancer masquée). On le sait, SOS Chrétiens d’Orient s’est illustrée en Syrie comme une organisation vassale du sanguinaire dictateur Bachar el-Assad. Cette fois nos deux officines mettent conjointement sur pied une « mission humanitaire » (un motif désormais classique du répertoire nationaliste) en Arménie en mai de cette année. Une délégation composée notamment de 6 membres de SosCa s’y est rendue afin de restaurer un khatchkar. Là encore le discours sous-jacent est limpide tant ces dernières années l’extrême-droite s’échine, en dépit de la réalité des faits, à présenter l’Arménie comme un rempart oriental de l’Europe chrétienne engagée dans une « guerre de civilisation » face à un islam belliciste et conquérant.

 

Un apolitisme maurrassien ?

Reconnaissons que ces aspects de la propagande de SosCa peuvent prêter à confusion pour qui n’a pas une connaissance fine du marigot nationaliste. Tout le monde ne connaît pas SOS Chrétiens d’Orient. Loin de là. C’est la campagne pour les élections présidentielles qui aura amené, de manière flagrante, SosCa à tomber le masque tant elle a jeté ses forces aux côtés de Zemmour. Un évènement en particulier a mis en lumière cet appui qui d’ailleurs est réciproque.

La Z Coin Army, la crypto-monnaie nationaliste soutient nos cryptos fafs. Logique, non ?

 

Le 9 janvier 2022, SosCa a participé de manière ostentatoire, drapeaux au vent, au rassemblement des Sables-d’Olonne contre le retrait de l’espace public d’une statue de Saint-Michel (elle était auparavant dans la cour d’une école privée qui a été détruite). Le président et la secrétaire de SosCa, Julien Lepage et son épouse Marguerite-Marie Lepage ont donc pu s’afficher auprès de Philippe De Villiers, Patrick Buisson et Eric Zemmour.

Quand le pieux Julien Lepage cède à l’idôlatrie

 

Ce dernier défend pour l’occasion dans un tweet une forme de laïcité assez étrange : « La laïcité, oui, bien sûr. Le déboulonnage des statues et la destruction de notre civilisation chrétienne, jamais. ». En clair, la laïcité, oui, bien sûr. Mais uniquement pour les autres religions. Ce jour là, SosCa s’était aussi associée à « Touche pas à ma statue ». Cette coquille vide est présidée par Baudoin Haulaf, de son vrai nom Baudoin Ecckhout, qui est aussi le chef de l’Action Française Vendée. Cette collaboration est suffisamment explicite en soi pour comprendre, une fois de plus, où SosCa se situe sur l’échiquier politique.

Malgré tout, SosCa nie l’évidence, et se justifie par une acrobatie verbale impossible : « Pour l’occasion des personnalités politiques telles que Philippe de Villiers et Éric Zemmour se trouvaient sur place d’où le nombre important de manifestants et une large communication sur le sujet. SOS Calvaires n’est pas venu pour soutenir des mouvements politiques mais uniquement défendre cette belle statue de Saint Michel Archange. […] SOS Calvaires « mise » sur la chrétienté qui existe depuis plus de 2000 ans, étant apolitique elle remercie simplement les mouvements qui soutiennent ce patrimoine chrétien mais en aucun cas se ralliera à une idée politique. SOS Calvaires c’est la voix du peuple Chrétien, c’est la reconstruction et la restauration des croix, c’est une association qui appelle chacun d’entre nous à venir participer à la sauvegarde des calvaires de France. »

SOS Calvaires en plein exercice de rhétorique.

 

Publi-reportages à gogo

Les élections ont donc été un moment d’éclaircissement politique salvateur. Faux pas après faux pas les intentions manipulatrice et le projet réactionnaire de SosCa deviennent évidents. D’autres, comme nos camarades d’Orléans ont mis en évidences des accointances tout aussi, voire bien plus puantes. Le doute n’est plus de mise depuis longtemps pour les militant.e.s antifascistes mais aussi, espérons-le à force d’insistance, pour nombre de journalistes de la presse régionale. À court terme nous souhaitons ne plus avoir à réagir à des publi-reportages comme celui de France Bleue Mayenne. Le passage évoquant le travail de SosCa manque cruellement du basique mais essentiel travail de vérification et de recherche (à partir de 7 mn 27). Même chose pour les correspondant.e.s locaux de la presse papier qui trop souvent se contentent d’une description de surface des rénovations et prennent pour argent comptant les beaux discours des membres d’une association qui brille par sa duplicité.

 

Ethiques en toc

Un autre « public » mérite d’être plus souvent interrogé sur sa présence auprès de SosCa, celui des élu.e.s et décisionnaires publics. Ainsi, le 27 novembre à Gené, dans le nord du Maine-et-Loire, s’est déroulée une inauguration en présence du maire. Même chose à Cunault, près de Saumur, où le 26 mars de cette année, Gwénaël Verger maire délégué de Chênehutte-Trèves-Cunault prenait la pose entouré d’une bande de scouts dont les oripeaux ne respirent pas le progressisme.

 

Dans quel cadre légal ces maires agissent-ils ? Les calvaires sont-ils situés sur des parcelles publiques ? Les édifices relèvent-ils des pouvoirs de la commune ? Au delà du strict respect de la loi sur la laïcité on peut se questionner sur l’éthique et les intentions des élu.e.s. Au nom de quoi cautionnent-t-illes par leur simple présence les activités d’une association que tout classe à l’extrême-droite ? Les habitant.e.s des communes où SosCa intervient sont en droit de demander à leurs élu.e.s de rendre des comptes. A titre d’illustration, l’évènement proposé cet été dans la Vienne et relevé sur le site de SosCa est symptomatique d’une confusion des genres.

Procession, bénédictions et pot offert par la mairie. Tant qu’à faire, pourquoi pas une spectacle en costumes avec de la pyrotechnie et avec pour point d’orgue la réconciliation de Don Camillo et Peppone ? Croire et faire croire en l’apolitisme de SosCa c’est pleinement entrer dans son jeu. La question du patrimoine et de son entretien n’est pas une simple question technique. Ce que l’on décide d’entretenir, avec quels moyens et par qui, ne sont pas des questions politiques anodines. L’extrême-droite l’a bien compris.

 

SOS Calvaires est désormais bien implantée dans le paysage nationaliste français. Elle comptait récemment parmi les neuf projets que Valeurs Actuelles a sélectionné pour un gala de malfaisance au Grand Rex. En quelques minutes, les bourgeois.es en panique morale ont soutenu SosCa à hauteur de 30000 €. Mais attention, entre sa quête de respectabilité institutionnelle et sa volonté de contribuer à la guerre métapolitique menée par l’extrême-droite, nul doute qu’à terme la ligne de crête est trop étroite pour SOS Calvaires. À nous de faire entendre la réalité de cette association et d’apporter collectivement la poussette décisive qui enverra SOS Calvaires au fond du ravin.

Ce contenu a été publié dans Divers, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.