5 questions sur la venue d’un représentant de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier à l’Alvarium.

Le 22 novembre dernier, un mystérieux « Père Henri » est intervenu au local de l’Alvarium pour animer une conférence sur le thème « France et catholicisme ». Au delà du décryptage de la conférence en elle-même, c’est l’occasion pour nous de revenir sur la communauté traditionaliste si particulière dont est issu ce prêtre : la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier.

1) Mais d’où il sort ce prêtre ?

Le père Henri-Marie Favelin est prêtre et membre de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier. Il est surtout connu pour animer ponctuellement des cours de catéchisme au 1er étage du bar le Sorbon à Paris. Ces séances appelées « café-caté » portent sur des thèmes aussi joyeux que « La fin des temps ! » ou encore « les premiers seront non seulement les derniers mais devront servir et être crucifiés ».

Pour sa venue à l’Alvarium, le thème était un poil plus politique (forcément) : « France et catholicisme », nous promettait l’affiche qui était illustrée par un tableau représentant le baptême de Clovis (tout un symbole pour nos fascistes locaux qui clament tendre la main aussi bien aux catholiques qu’aux païens).

2) Et d’où elle vient cette Fraternité ?

La Fraternité Saint-Vincent-Ferrier a été créée au début des années 1980. Leur unique couvent se situe à Chéméré-le-Roi (ça ne s’invente pas), au sud de la Mayenne. Celui-ci a récemment été rénové et agrandi grâce à une levée de fonds de 5,5 millions d’euros. On peut dire que leurs donateurs sont généreux (et probablement un peu riches aussi) !

Le père Louis-Marie (né Olivier) de Blignières, qui est à l’initiative de la création de la Fraternité, est issu d’une famille bourgeoise qui possède plusieurs liens avec l’extrême-droite ou le traditionalisme catholique. Son père, Hervé, était chef d’état-major de l’OAS1 et son frère Hugues a été rédacteur en chef de la revue Présent dans les années 80.

3) Est-ce qu’on peut dire que ce sont des « intégristes » ?

C’est compliqué. Le père Louis-Marie de Blignières a été formé à Écône, en Suisse, dans le séminaire de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X et défend les orientations traditionaliste et passéiste au sein du catholicisme. En même temps, la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier s’est rapprochée du Vatican à plusieurs reprises, notamment via la Commission pontificale Ecclesia Dei. Aujourd’hui encore, ils sont reconnus officiellement comme faisant partie de l’Église catholique et du diocèse de Laval. Ils ne sont pas en revanche reconnus par l’ordre dominicain, bien qu’ils disent s’inspirer de celui-ci.

On peut donc affirmer qu’ils sont traditionalistes. Ils célèbrent la messe selon le rite tridentin : messe en latin, le prêtre est dos à l’assemblée, etc.

4) Et politiquement c’est quoi leurs idées ?

Plutôt bien à droite ! Les médias qui leur font de la pub sont parfaitement intégrés dans les milieux nationaux-catholiques : Le salon beige, Riposte catholique, Le rouge et le noir, TV Libertés… Ils sont également proches de l’association SOS Chrétiens d’Orient (https://reflexes.samizdat.net/sos-chretiens-dorient-noel-en-syrie-paques-au-tison/). Et un rapide coup d’œil à la librairie sur le site de la Fraternité nous permet de vite saisir leur vision du monde. La plupart des ouvrages sont écrits ou dirigés par le père Louis-Marie de Blignières (encore lui) comme « Le courage de la paternité » (2018). Certains titres des chapitres de cet ouvrage suffisent à illustrer toute la pensée réactionnaire et conservatrice de son auteur : « Force et violence dans la pensée chrétienne », « Mai 68 ou l’anti-paternité »… Les plus sceptiques pourront toujours se tourner vers un extrait de la préface rédigée par Jean de Viguerie (un ancien du FN) : « L’Église et l’État ne seront plus séparés, une telle séparation étouffant la vie de la grâce. La chrétienté n’est pas un mythe historique. Sa restauration est notre objectif. Il faut combattre, il faut s’engager. » En somme, du nationalisme catholique dans sa plus pure expression.

5) Et leurs liens avec l’Alvarium dans tout ça ?

Les liens entre la Fraternité et les principaux animateurs de l’Alvarium ne datent pas d’hier. Ils sont peut-être à chercher du côté d’Académia Christiana et particulièrement leurs universités d’été. Le père Louis-Marie de Blignières (toujours lui) y intervient inlassablement chaque année depuis qu’elles existent, à savoir 2013. Hors, on sait que ces événements sont aussi l’occasion pour plusieurs membres et proches de l’Alvarium d’aller se « former » (comprendre fumer des clopes, boire des bières et pratiquer des sports de combat) ou filer un coup de main en cuisine. Petit patchwork pour résumer l’édition 2019 en photo :

1 : le père Louis-Marie de Blignières

2 : Baudouin Le Nalio

3 : Arno Guibert (ou « Arnaud Danjou »). Ne vous fiez pas aux gants de boxe, le jeune homme est surtout directeur général de La Nouvelle Librairie à Paris (une librairie nationaliste, évidemment). On vous en avait parlé dans cet article (https://raaf.noblogs.org/post/2018/12/11/gilets-jaunes-protegez-vous-des-taches-brunes/)

4 : A gauche Auxence Fleury, à droite Enguerrand Fleury

5 : Gabriel Tardiveau

6 : Dauphyne de la Bareyre

7 : Il porte le badge de sa femme mais ne vous y trompez pas, il s’agit bien de Jean-Eudes Gannat

8 : A gauche François-Aubert Gannat et à droite Hervé Le Morvan dont on vous a déjà parlé (https://twitter.com/raaf_angers/status/1111955745313038336)

9 : Hugues Soreau (« Hugues Sro » sur Facebook)

10 : Hedwige Fleury

Tout ça pourrait s’apparenter à du camping estival pour jeunes nationalistes, me direz-vous. Le problème c’est que certains d’entre eux se prennent très au sérieux et pensent se préparer à une révolution (rien que ça) conservatrice. Ainsi, Jean-Eudes Gannat déclarait dans le n°6 de la revue L’Étincelle, à propos de l’édition 2018 de cette université d’été : « Comme toujours dans les réunions politiques de droite radicale (au sens noble et véridique du terme), nous avons vu fourmiller cette semaine des concepts absolus, généreux, purs. Allons-nous agir vraiment ou rentrer chez nous en attendant, une fois encore, le grand soir ? »2

En conclusion, on peut dire que la prochaine fois que vous entendrez parler d’une séance de cathé à l’Alvarium, méfiez-vous, celle ci pourrait bien être moins inoffensive qu’elle n’y paraît…

1 L’Organisation de l’armée secrète, mouvement paramilitaire des années 60 ayant pour but de lutter contre l’indépendance de l’Algérie.

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