L’université d’été 2022 d’Academia Christiana de retour en Anjou et en catimini

Comme en 2020, le mouvement Academia Christiana a posé ses valises en Anjou pour son université d’été. L’occasion pour nous, de revenir sur l’évolution de ce mouvement tout en éclairant une certaine actualité pour les nationalistes angevin.es que nous ne connaissons que trop bien.

Pour qui n’aurait pas suivi les différents épisodes de la série, nous vous conseillons un petit rattrapage avec notre article de 2020, à l’occasion de la première venue d’Academia Christiana en Anjou. En 2021, l’université d’été a trouvé refuge dans le Calvados, comme nous l’avions fait remarquer sur les réseaux sociaux. Mais surtout, un reportage au JT de France 2 en février dernier a mis le feu aux poudres en rendant « grand public » ce que les antifascistes montrent depuis de nombreuses années maintenant. A savoir que l’association, sous des dehors innocents, est davantage un ramassis de militant.es nationalistes plutôt qu’un organisme proposant des formations d’ordre spirituel. Dans un contexte où le gouvernement a déjà dissous d’autres groupes plus ou moins similaires (Génération Identitaire ou l’Alvarium par exemple), les cadres d’Academia Christiana ont eu un peu chaud aux fesses.

Mais le mouvement semble être passé entre les mailles du filet répressif (en tout cas pour l’instant) et organise logiquement son université d’été 2022. En parallèle, il mène depuis décembre 2021 une levée de fonds, dans le but d’acheter son propre château (tout un symbole pour ces militant.es issu.es pour une majorité de familles aristocratiques). Au-delà du symbole, il s’agit évidemment de permettre plus facilement l’organisation d’événements sans avoir les rabat-joie de service que nous sommes criant sur tous les toits que tel ou tel établissement scolaire héberge des personnes aussi peu recommandables. Mais, comme Academia Christiana l’annonçait il y a quelques semaines, le « projet d’acquisition d’un domaine prend plus de temps que prévu ». Résultat : obligé de louer un nouveau lieu pour cette année encore.

Et plutôt que de se tourner une nouvelle fois vers Notre-Dame d’Orveau, les jeunes nationalistes sont allé.es 30 kilomètres plus loin frapper à la porte de l’Institut Bois Robert, à Bécon-les-Granits. Cet internat privé hors contrat, fondé en 1968, est tenu par la famille Patier depuis sa création. Benoit Patier, aujourd’hui à la tête de l’établissement, a donc accepté de faire fi des polémiques et va même jusqu’à assumer dans la presse locale de filer un coup de main à Academia Christiana. Serait-ce par charité chrétienne que l’homme tolère le mouvement ? On penche plutôt pour des affinités idéologiques.

Un petit tour sur le site de l’établissement nous confirme ainsi ce que nous préssentions : nous somme face à une école élitiste qui assume son rejet d’une école ouverte, égalitaire et s’adressant à tout.e.s. La rubrique « notre philosophie » est à ce titre édifiante : « Ici, nous sommes loin de l’anarchie pédagogique, de l’expérimentation continue sur des enfants-cobayes, du laisser-aller éducatif, voire dans les pires des cas, du délire oniro-pédagogique qui marquent certains établissements publics ou privés, confessionnels ou non, depuis une décennie. » De notre point de vue, ce qu’on observe depuis une décennie (c’est à dire depuis 2013 et la structuration de réseaux autour du rejet de la loi dite Mariage pour tous), c’est surtout un ensemble d’offensives réactionnaires. Celles-ci ont eu tellement d’impact dans les milieux de l’éducation qu’elles ont même réussi à obtenir la nomination de Jean-Michel Blanquer au poste de ministre de l’éducation en 2017. Mais peu importe la difficulté à appréhender le réel, ce qui compte c’est que l’établissement puisse se présenter comme un bastion assiégé (et justifier, au passage, ses exorbitants frais de scolarité).

La rubrique « partenaires » présente, quand à elle, Le Salon Beige comme un simple site d’actualité.

 

Il est donc logique de trouver sur Le Salon Beige un article faisant la promotion du Bois Robert.

Mais ce qui est gênant, c’est que le site de l’école présente Le Salon Beige de manière anodine, comme si il était possible de passer à côté de la toxicité d’une telle plate-forme. Au delà d’un certain nombre d’informations certes centrées sur l’actualité religieuse, ce site s’est aussi, et à de nombreuses reprises, fait le relais de rumeurs, théories du complot et autres « fake news ». Et il est très facile pour qui sait taper « salon beige extrême droite » dans un moteur de recherche de tomber par exemple sur la notice de Conspiracy Watch qui explique clairement en quoi le site pose de gros et évidents soucis.

De manière anecdotique, l’établissement a également eu comme élève une des filles de Marine Le Pen (ce qui lui fait donc un second point commun avec Notre-Dame d’Orveau).

Pour ces raisons, on peut donc dire qu’en se tournant vers le Bois Robert, les nationalistes savaient où iels mettaient les pieds. Mais contrairement à ce que dit l’adage, ce n’est pas toujours dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Et celle servie par Academia Christiana dégage, comme chaque année, la désagréable odeur d’une vieille saucisse en putréfaction. Comme en atteste le programme des conférences, abordant à tour de rôle la « modernité » ou « l’enracinement », tout en posant des questions telles que « de droite et radical : est-ce encore possible ? »

Et les fascistes angevin.es dans tout cela ? Comme à leur habitude, iels étaient une fois encore investis dans l’organisation de l’événement. On a ainsi pu retrouver par exemple les habituels Baudouin Le Nalio, Gaspard Beaumier, Didier Simons, Louis Simonet ou évidemment Jean-Eudes Gannat. Mais les liens avec l’Alvarium ne sont pas à faire uniquement par rapport à la présence de militant.es angevin.es. D’autres invités nous donnent en réalité l’occasion de faire le lien avec deux procès à venir dans les prochaines semaines.

Le premier est en rapport avec le groupe ayant fait un concert le dernier soir : FTP. La dernière fois que ce groupe avait joué, c’était à Versailles en juin dernier. Et il se trouve que l’organisateur de ce concert n’était autre que Paul Pichon, comme en témoignait en mai sa page Facebook.

Or, c’est le principal mis en cause pour l’attaque cet été de la librairie Les Nuits Bleues et il va être jugé le 11 octobre prochain à Angers.

Le second procès, le 12 octobre, concerne l’affaire de la banderole anti-IVG (« Avortement de masse = solution finale ») déployée par le RED (Rassemblement des Etudiants de Droite) lors d’un rassemblement du Planning Familial à Angers en juin dernier. On peut en effet estimer qu’il ne s’agit pas d’un hasard si Aliette Espieux (porte parole de La marche pour la vie), a soutenu cette action sur les réseaux sociaux et qu’elle était également de la partie pour cette université d’été. Le monde (nationaliste) est décidément bien petit.

Profitons-en, au passage, pour préciser que « d’anti-IVG », la banderole est à nos yeux tout autant antisémite de par son parallèle entre l’encadrement de l’IVG et la « solution finale ». L’utilisation de cette expression renvoie en effet à la « solution finale de la question juive » (« Endlösung der Judenfrage ») relative au plan d’extermination des juifs et juives d’Europe au cours de la seconde guerre mondiale. Et cette manière de banaliser ces mots doit se lire comme l’expression d’un révisionnisme assumé, ni plus ni moins. Quelle que soit l’issue de ce procès (dont nous n’attendons, comme d’habitude, pas grand chose), notre avis sur cette banderole est déjà fait.

 

En conclusion, et pour revenir sur l’université d’été 2022 d’Academia Christiana, on peut dire que le mouvement continue de tracer son sillon au sein de l’extrême-droite française, en partie aidée par la bienveillance d’une partie de la bourgeoisie catholique, notamment dans notre région. Il n’y a cependant pas une réserve inépuisable d’établissements privés catholiques prêts à accueillir cet événement estival. Et la stratégie de changer de lieu chaque année, tout en cachant jusqu’au dernier moment sa localisation, pourrait finir par s’essouffler. En attendant, l’événement continue de servir de point de ralliement pour nombre de jeunes nationaux-catholiques, ce qui nous montre l’importance de conserver un haut niveau de vigilance vis-à-vis de celui-ci.

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