Sur les rapports d’Academia Christiana et la nouvelle Association Culturelle d’Education Intégrale (Acei)
Les nationaux-catholiques d’Academia Christiana se restructurent et redéploient leurs activités. En plus de l’organisation d’évènements à destination de la jeunesse, avec pour temps fort les universités d’été, 2024 a vu le lancement de deux nouveaux projets : Communitas Christiana et Familia Christiana. Le premier est « un label visant à soutenir et parrainer des communautés locales engagées », bref une tentative d’implanter des groupes locaux franchisés pour le moment à Toulouse et Paris. Le second vise « à accompagner les familles dans l’éducation de leurs enfants et la création de réseaux d’entraide », projet dont la réalité reste vague. Pour cela le mouvement se place désormais sous la houlette d’une association ad hoc : l’Association Culturelle d’Education Intégrale (Acei) lancée le 24 septembre 2024 à Paris. L’«ACEI a repris et enrichi les missions d’Academia Christiana […]. En héritant de son nom et de son logo, l’ACEI inscrit cette dynamique dans une perspective élargie. » Intéressons-nous au bureau de cette association, le parcours de ses membres en dit long sur la continuité militante derrière l’enfumage de la nouveauté. Enfin essayons de comprendre les buts et les raisons de ces manœuvres administratives.
Plusieurs couplets, toujours la même rengaine
À première vue l’objet de l’Acei est assez attendu : « proposer des activités éducatives à destination de la jeunesse, un soutien aux familles dans l’éducation, ainsi que la promotion et la diffusion de la culture française. ». Rien de neuf pour qui suit les obsessions déclinistes d’Academia Christiana. Idem pour les matières employées pour atteindre ce but : philosophie politique, science politique, histoire, anthropologie, droit, art et histoire du patrimoine national, savoir-faire manuels, sport, tout y passe. On reste dans le programme habituel des universités d’été d’Academia Christiana qui, plutôt que des militant.e.s de terrain, cherche à former les futur.e.s cadres d’une jeunesse nationaliste et catholique traditionaliste. Une mission portée depuis dix ans qui peine à porter ses fruits. Les universités semblent aussi être un objet de pure consommation pour une large part de la jeunesse bien née qui y assiste.
De la verticalité…
Coincée dans un enseignement basé sur une verticalité descendante maître-élève, l’équipe d’Academia Christiana cherche néanmoins à sortir des grandes salles de cours, par exemple avec l’invitation à la dernière université des très maurrassiens SOS Calvaires pour le montage ex nihilo d’un calvaire. Une timide approche du domaine du sensible moins éthérée que les habituelles conférences en chaire. Cette piste se retrouve donc dans les statuts de l’Acei : « des activités de restauration d’édifices dans le but de contribuer à la sauvegarde, la conservation et la mise en valeur de biens mobiliers ou immobiliers appartenant au patrimoine artistique national, régional ou local. » On sent des vélléités d’explorer des moyens de toucher une autre audience et sortir de l’entre-soi bourgeois : « fêtes, bals, banquets, chantiers, olympiades, randonnées ». Néanmoins on comprend aussi que si tous les moyens sont bons, la méthode reste arcboutée sur la même pédagogie réactionnaire. Parfois à les lire on se dit que leur modèle c’est une scolastique médiévale mal comprise à base de ruminations des grands anciens et très déconnectée du réel.
…Et de la hiérarchie
Comme on est à l’extrême droite, la hiérarchie ça compte et dans l’association tous les adhérent.e.s ne sont évidemment pas sur un pied d’égalité : membres d’honneur, membres bienfaiteurs, membres adhérents, membres actifs. La générosité permet de monter les barreaux de l’échelle. L’association est dirigée par un conseil d’administration qui comprend de 2 à 12 personnes selon les statuts. La hiérarchie n’a pas été bousculée et c’est Victor Aubert qui en même temps que la fonction de directeur de publication du site internet endosse la fonction centrale de directeur général. Le voilà bien installé pour garder le contrôle du jouet qu’il a fabriqué en 2013 avec Julien Langella un des fondateurs de Génération Identitaire.

Victor risque surtout de subir un gros rhume à traîner sous l’orage en habits du dimanche.
La présidence de l’association incombe à Arno Guibert qui évolue dans le monde nationaliste sous le pseudo d’Arnaud Danjou. Très investi dans Academia Christiana dont il peut parfois se faire porte-parole, ce jeune trentenaire a déjà un CV militant explicite. Comme son chef, il a eu une belle casquette de directeur général de La Nouvelle Librairie, projet nationaliste désormais à l’arrêt. Ce très proche de l’alvarium et ami de Jean-Eudes Gannat a aussi le sens des affaires puisqu’en 2018 il a été directeur général (un titre prisé semble-t-il) du restaurant le Mareyeur, un lieu plébiscité par l’extrême droite qu’elle vive ou soit de passage à Paris.

Arno Guibert quand l’alvarium utilisait un slogan de Mao qui ne s’est pas réalisé.
Le poste de trésorier est dévolu à Pierre Bartnig, une personne que l’on retrouve moins souvent dans la lumière des projecteurs, peut-être pour ménager sa respectabilité de directeur d’agence d’intérim du côté de Laval. Mais on ne se trouve pas dans les petits papiers d’Academia Christiana par hasard et on découvre sa trace dans un arrêté d’interdiction de manifester de décembre 2023. Il avait déposé une manifestation à Laval avec pour revendications : « expulsion immédiate des OQTF, Justice pour Thomas, reconnaissance de motif de racisme anti-blanc, déchéance automatique de nationalité pour les assassins binationaux, fin immédiate de l’immigration ». Bref le bingo raciste habituel de l’extrême droite radicale qui instrumentalise les crimes de sang.

Extrait de l’arrêté d’interdiction de la manifestation d’extrême droite déposée à Laval. Publication du 8 décembre 2023.
Enfin le poste de secrétaire échoit à Stessy Hupont qui utilise parfois son nom de jeune fille, moins connoté que celui qu’elle a épousé en même temps qu’un certain François-Aubert Gannat connu pour sa violence et son racisme. Militante convaincue de l’alvarium son nom est un temps associé à la reprise très politique du Café des Sports au Lion d’Angers, au 41 rue du Général Leclerc. Elle s’occupe aussi bénévolement de la gestion courante de l’association Urgence Humanitaire escroquerie que nous avions en son temps dévoilée et dont les « missions » reposent presque exclusivement sur l’engagement du néo-nazi Xavier Maire qui a fait d’Angers sa base arrière.
Feinte c’est l’anagramme de fiente
Malgré des ambitions de nouveauté l’Acei repose toujours sur les « vieux » réseaux d’Academia Christiana et les noms évoqués montrent que son centre de gravité reste l’ouest de la France, là où le projet est né. Mais alors pourquoi tant d’énergie à ne presque rien changer ? On peut avancer quelques pistes explicatives d’un tel remaniement administratif. La plus évidente est imputable à la dissolution d’Academia Christiana évoquée en décembre 2023 par Gérald Darmanin alors ministre de l’Intérieur. Une menace sans suite effective mais qui aura permis à Academia Christiana de couiner pour remplir ses caisses et de prendre acte de sa fragilité. Plus personne n’est dupe de ce qui se trame derrière la façade du soi-disant institut de formation et l’antisémitisme qui y règne a failli lui coûter cher une fois étalé en place publique. Même si la feinte est grossière, une nouvelle association, un nouveau nom, une nouvelle organisation, c’est l’espoir de consolider sa défense juridique face à une vraie procédure de dissolution administrative. Procédure assez improbable sous l’ère Retailleau. En même temps cela permet à Victor Aubert et consorts de mettre un peu de côté l’étiquette Academia Christiana qui sent le cramé, les nationalistes savent bien qu’avancer masqué.e.s leur ouvre plus d’opportunités (ne serait-ce que pour louer des lieux), alors quoi de plus avenant qu’une association qui œuvre pour « l’ éducation » ? Il n’empêche que d’Academia Christiana, l’Acei a bien hérité de cette indigente conception d’extrême droite d’un « bien commun » qui ne s’adresse pas à tou.te.s et qui veut en exclure beaucoup.

Extrait du PV de déclaration en préfecture qui a servi de matériau à la rédaction de cet article.
Le Raaf.