Après son saccage lors d’une manifestation contre l’extrême droite le lundi 10 juin, Le Bazar, un ancien bar de la rue Parcheminerie, a refait surface dans l’actualité angevine. Pour la presse locale le lieu serait « soupçonné d’abriter des identitaires », il serait un « repère supposé de l’ultra-droite » ou encore il s’agirait d’un « lieu controversé ». Beaucoup de précautions oratoires inutiles pour qui suit notre travail. Mettons d’emblée les choses au clair : Le Bazar EST la base arrière de la milice fasciste Red qui perpétue les activités malfaisantes de l’alvarium après la dissolution administrative de ce dernier. Si Le Bazar n’accueille pas d’activités publiques c’est parce que les nationalistes cherchent à camoufler leurs méfaits sous des apparences anodines et dans la plus grande discrétion. L’équipe qui occupe les lieux prétend donc animer « Le B », un « tiers-lieu catho », « apolitique » « à vocation conviviale et chrétienne ». Cet article propose de déchirer ce tissu de mensonge.
Quand Le Bazar était un bar
Autrefois lieu apprécié des nuits angevines Le Bazar change de mains à l’été 2019. Dans sa dernière mouture en tant que bar ouvert au public, le bar passe sous la gérance d’Aloïs Haven dont les amitiés sur facebook laissent peu de place au doute : au hasard Jean-Eudes Gannat, fondateur du Red puis de l’alvarium ou la charcutier nationaliste Thibaut Cochin. Cette jeunesse dorée et réactionnaire fait-elle fuir la clientèle ? Toujours est-il que l’activité périclite assez vite. Aloïs Haven doit fermer son bar, néanmoins il reste propriétaire des murs via la SCI familiale Les Etagères. Et désormais, si les volets sont clos, le local en reste fréquenté en catimini.
De gauche à droite : les goûts aristocratiques, les amis d’extrême droite d’Aloïs Haven et le cadastre du 41, rue Parcheminerie. Pour agrandir les mosaïques sélectionner : « ouvrir dans un nouvel onglet »
« Le B » ? Le plan B du Red
Les premiers échos sérieux d’une implantation de la clique fondée par Jean-Eudes Gannat remontent à la fin de l’année 2022. Un tract d’appel à la vigilance, signalant les allées et venues des têtes connues de l’extrême droite radicale autour du bar officiellement fermé, est diffusé dans les boîtes à lettres du quartier. À cette époque le Red dispose encore de son local de la rue du Cornet à 200 mètres de là en centre-ville.
L’implantation fasciste devient une réalité tangible en novembre 2022. Sur leurs réseaux sociaux les nationalistes locaux publient les images d’une soirée Canto privée qui s’est déroulée dans les murs du Bazar. Canto c’est cette appli avec un « carnet de chants voué à la préservation des cultures régionales » qui est surtout un énième projet de l’extrême droite pour avancer ses pions dans la bataille des idées. Le public présent, trié sur le volet, est sans équivoque : Jean Chamaillé, membre du Red dès sa fondation et qui était de l’attaque du cortège du NPA par Les Zouaves lors d’un acte des Gilets Jaunes, ou encore Axel Levavasseur, mécène de l’alvarium qui met gratuitement à disposition le local de la rue du Cornet, sont de la fête. Derrière le bar on retrouve Adrien Rivière membre de l’alvarium condamné pour violences et le bien-né Gaspard Beaumier, fan de National Socialist Black Metal qui à l’époque compte parmi les meneurs du Red. Le doute n’est plus permis.
Soirée Canto au Bazar.
En décembre 2022, l’ex militante de Génération Identitaire reconvertie en influenceuse « tradwife », Thaïs d’Escufon met en ligne une vidéo de promotion de l’histoire et du patrimoine angevin. Passons sur sa vision étriquée de la région, typique de l’extrême droite qui résume l’Anjou à un mélange confus et folklorique de rois, de rillauds et de pinard. La vidéo désormais indisponible sur YouTube reste accessible en fouillant les tréfonds du web. La fin de la vidéo se déroule dans les locaux du Bazar, à la décoration caractéristique, et en présence de Jean-Eudes Gannat, fondateur du Red et capo de l’alvarium qui aura joué les guides pour Thaïs d’Escufon. Cela ne manque pas de piquant si l’on rappelle le story-telling qui voudrait que « Ce nouveau Bazar préfère toutefois se présenter comme un tiers-lieu catho angevin , et ce n’est sans doute pas un hasard si le sulfureux Jean-Eudes Gannat, ancien porte-parole de l’Alvarium, en est gentiment tenu à l’écart. » Tenu à l’écart mais disposant des clés du local ? Il profite d’ailleurs du moment de convivialité dans ce lieu « apolitique » pour promouvoir les activités du Red.
Le Bazar en 2022, alors qu’il est officiellement fermé.
Le Bazar, juin 2024. Au fond le portrait de Corto Maltese permet d’attester que c’est le même lieu que dans la vidéo évoquée.
Si ces éléments ne sont pas suffisants pour les incrédules, nous pouvons rappeler que, sous la pression notamment des quartiers, une fermeture administrative du local de la rue du Cornet avait été décidée. S’en était suivi le déménagement des fascistes vers le Bazar le 5 juillet 2023, ce que nous avions documenté.
Les Amis réunis (par la haine)
Mais s’il faut encore fournir des preuves factuelles allons sur le terrain administratif. Suite au saccage du Bazar, une audience au tribunal a permis d’apprendre que le local, désormais désigné comme étant « Le B » est géré par l’association des « Amis réunis ». Parmi la multitude d’associations du même nom il en est une, créée le 20 janvier 2023, qui à signaux faibles attire notre attention. Son objet assez vague propose la « promotion et découverte de l’histoire, notamment locale ou régionale ». Elle est domiciliée sur la petite commune de la Selle-Craonnaise, en Mayenne. Ce coin de campagne nous est familier, la première mouture de l’alvarium avait domicilié son association dans la commune d’à côté, Niaffles, chez les parents de Jean-Eudes Gannat.
La composition du bureau des Amis réunis qui compte deux membres est instructive. La présidente s’appelle Jeanne de la Chapelle. Avant son mariage, son nom de famille était Tardiveau. Il s’agit de la fille d’Helen Tardiveau. Cette dernière s’était présentée en 2021 aux élections départementales en binôme avec Jean-Eudes Gannat. Une candidature typique d’extrême droite, avec pour thèmes l’insécurité et l’immigration, soutenue par l’alvarium. Dans la famille Tardiveau, le frère de Jeanne, Gabriel est lui-même un militant actif du groupuscule fasciste. Pour mémoire, le domicile d’Helen Tardiveau à Angers a aussi servi de siège social à une association intitulée « La Guêpe Ride » créée pour parer à la dissolution de l’alvarium. Jeanne Tardiveau n’est pas une grande militante de terrain mais son visage apparaît de loin en loin dans les publications de diverses officines d’extrême droite. En 2015, elle participe dans sa prime jeunesse aux entraînements à la bagarre du groupe local de Génération Identitaire aux côtés de Paul-Alexis Husak et François-Aubert Gannat. Plus près de nous en 2019, elle s’affiche avec un t-shirt Academia Christiana, l’organisation nationale-catholique teintée d’antisémitisme qui vient régulièrement en Anjou tenir son université d’été, évènement auquel elle participe.
Quelques éléments sur Jeanne de la Chapelle.
Michel Berthault, le second membre du bureau et trésorier des Amis réunis est lui aussi étroitement lié à la famille Tardiveau, il est co-actionnaire d’une SCI avec le père de Gabriel Tardiveau et Jeanne Tardiveau/de la Chapelle. Nous ne nous étendrons ni sur la généalogie, ni sur le profil de ce monsieur Berthault, retraité qui affiche sur facebook sa proximité idéologique avec Academia Christiana et qui joue vraisemblablement le rôle d’homme de paille.
Il est plus éclairant de se pencher sur le siège social des Amis réunis qui n’est pas déclaré au Bazar mais dans le bourg de la Selle-Craonnaise, en Mayenne. Le cadastre nous apprend que cette adresse appartient à un certain Pierre-Louis Simons. Cette personne se présente très couramment sous le nom d’usage de Didier Simons. Il utilise l’un et l’autre sur les réseaux sociaux et dans la vie quotidienne. Il a été suppléant de Jean-Eudes Gannat lorsqu’en tandem avec Helen Tardiveau celui-ci se lançait vers l’échec retentissant des élections départementales de juin 2021. Pierre-Louis/Didier Simons a joué à l’occasion le rôle de porte-parole par intérim de l’alvarium quand Jean-Eudes Gannat n’était pas disponible. Lui aussi est fortement impliqué dans la direction d’Academia Christiana. Il participe à l’organisation des universités d’été du mouvement et endosse parfois le rôle d’animateur-conférencier. Il travaille en tant que professeur de philosophie dans la pouponnière à militant.e.s nationalistes de Notre-Dame d’Orveau. On comprend que parmi d’autres causes, cela a pu faciliter la tenue de l’université d’été d’Academia Christiana dans cet établissement scolaire en 2020.
Quelques éléments sur Didier/Pierre-Louis Simons.
Grosses ficelles et assos bidons
Notre mise au point touche à sa fin. De toute évidence, les Amis réunis sont l’habituelle association bidon que la milice nationaliste du Red utilise pour poursuivre sans trop d’embûches ses activités malfaisantes dans la parfaite filiation et continuité de l’alvarium. C’est encore la preuve que les dissolutions administratives ne sont que poudre aux yeux. Derrière des objets plus ou moins fantaisistes ces associations fantômes permettent aux fascistes de disposer de comptes en banque, de contracter des baux, etc. La ficelle est grosse et d’une efficacité relative. Quand on apprend par la presse que Baudoin Le Nalio se pourvoit devant la justice en tant que représentant légal de l’association des Amis réunis, la stratégie de dissimulation devient parfaitement grotesque. Homme à tout faire et âme damnée du chef, il a été condamné à de multiples reprises pour des violences commises aux abords de l’alvarium, rue du Cornet, ou encore à Orléans sur des militant.e.s occupant un théâtre. Pas vraiment le profil d’un jeune catholique pacifique désireux d’animer un tiers-lieu pour ses coreligionnaires. Alors quand leur avocat affirme la bouche en cœur que « Le Bazar et l’association ne se veulent pas politiques » on se dit que la fable n’est ni crédible ni pourvue d’une morale. Surtout que parmi les souscripteurs et divers relais de la cagnotte de soutien au « B » on retrouve, au hasard, le Gud ou F de souche. Qu’elle que soit l’approche, la démonstration est faite et implacable : Le Bazar est un local fasciste. Le conditionnel n’est pas de mise. Fermons Le Bazar.
Le RAAF.